philippe poupet sculpteur (certaines pages sont en travaux)

®Philippe Poupet®Philippe Poupet®Philippe Poupet®Philippe Poupet®Philippe Poupet®Philippe Poupet

EFFET RÉTRO, LA LIBERTÉ OU LES BOULES ?

Installée dans l’espace urbain, une sculpture monumentale convoque un objet éminemment symbolique de la société française : l’arbre de la liberté, avec les branches duquel elle semble bavarder. Agencée comme une palissade elle l’enferme littéralement, le temps d’une exposition générée par un étrange récit archéologique :

Au pied de cet arbre, on a retrouvé les vestiges fossilisés d’une fabuleuse partie de boules…

« Il fût sans doute un temps où le bruit récurant que l’on percevait aux abords des lieux où étaient installés les premiers hommes, était un entrechoc sec, continu et répétitif. C’était le rythme de l’humanité, soutenu par la technologie qui faisait d’elle une puissance de domination certaine sur terre. Des pierres que l’on entrechoque pour fabriquer des outils. Aujourd’hui ce motif serait couvert par le vacarme de nos usines, de la circulation, de ce qui fait la vie moderne.
À Cugnaux, comme un écho au bruit que faisaient nos ancêtres, subsiste le tintement des boules d’aciers dans les mains des joueurs sur le terrain de pétanque, tout près de square Salvador Allende…
Et s’ils étaient en rythme ?
Qu’en est-il de l’origine du jeu de boule et de sa présence à l’époque chasséenne ?
Je propose une exploration artistique de cette question vertigineuse à laquelle nous ne pensons jamais. On veut toujours la croire secondaire, alors que surgissent brusquement, par le hasard d’une fouille, les vestiges dune évolution incroyable en matière de jeu, qui feraient pâlir nos chers pointeurs et tireurs contemporains.
Voici donc ce qu’on a trouvé sur la commune de Cugnaux :

En octobre 2010, un pilote de l’armée de l’air, féru d’archéologie à ses heures de loisir, repère un étrange dessin au sol au niveau du square Salvador Allende en survolant le centre de Cugnaux. Il avertit très vite l’autorité en matière archéologique, car il connaît l’importance du site néolithique situé dans cette zone.
Une rapide étude scientifique évalue ces traces et délimite un périmètre pour y établir les premières fouilles, avec l’autorisation bienveillante de la municipalité et sous la vigilance avisée de la direction régionale des affaires culturelles. Il faut faire vite, car il est question dans le PLU voté récemment de réaménager la voirie, et d’édifier un centre d’art contemporain à cet endroit précis.
L’arbre de la liberté, planté au beau milieu du square, sera traité pour les atteintes bactériologiques sévères dont il est recouvert depuis plusieurs année, et qui le fait complètement végéter. Mais il doit, le temps de la durée des fouilles, être méticuleusement conservé, afin de ne pas altérer l’état du produit de la fouille.
Pour favoriser sa croissance et régénérer le symbole, il sera, dans un temps ultérieur, repiqué aux abords du stade de football municipal.
Le 15 janvier on érige une palissade faite de planches de bois pour protéger le site repéré 2 mois plus tôt. Toute la communauté des archéologues est en émoi : Elle se doute de l’imminence d’une découverte. En quelques semaines sont mises à jours différents niveaux sédimentaires qui correspondent à ceux du village néolithique découvert sur le territoire de la commune. Mais d’étranges cavités, étroites et profondes parsèment ces strates. Elles révèlent que le site était occupé par des objets longs et tordus, dont il ne reste aujourd’hui que l’empreinte, formant un réseau de petites galeries. La découverte s’annonce de la plus grande importance.
Le projet de construction d’un centre d’art est reporté sine die.
On fait pourtant appel à un plasticien spécialiste des creux perdus, un des nombreux petit-fils de l’ébéniste parisien Grifalconi, qui arrivait à injecter de la résine dans un pied de table vermoulu, pour en révéler «le réseau impalpable de galeries pulvérulentes».
Il réalise un premier tirage dans une galerie plus courte que les autres, et fait apparaître outre le moulage du conduit, une boule en pierre polie sertie à son extrémité. La communauté scientifique s’interroge des semaines durant, et tout en décidant de garder le secret des découvertes, fait procéder à l’injection de toutes les cavités entortillées dans le système racinaire de l’arbre de la liberté.
Sous les pressions du service culturel de la mairie, de la DRAC, et des médias spécialisés, on décide de porter immédiatement le résultat des fouilles à la connaissance du public. L’espace Paul Eluard est mis à disposition et le 28 mars les cugnalais découvrent avec stupéfaction ce qu’ils avaient depuis si longtemps sous les pieds, à l’endroit même où ils avaient planté jadis leur arbre de la liberté.
Des pets de vieille plus ou moins longs, des carreaux qui se superposent, des casquettes qui s’entrecroisent, des brochets, des raspailles et des sautées, des demi-coups et des palouffes, des bibes et des têtards, des chiens morts et des écarts parcourent l’espace en tous sens. et les archéologues, non moins stupéfaits, admettent alors pour la première fois l’existence du jeu de boules à l’époque chasséenne. 6000 ans plus tard,
un nouvel âge d’or commence pour le néolithique.
Il faudra sans doute des années avant d’interpréter et de comprendre toutes les règles de l’ancêtre des jeux de boule modernes découvert à Cugnaux, et dont les fragments tortueux des trajectoires qui furent exhumées révèlent l’immense virtuosité des joueurs
de cette époque.
Comment les traces de ces trajectoires se sont-elles à ce point imprimées dans le sol de la commune ? Comment furent lancés les projectiles de cette époque ? Avec quel génie dans les effets ? Un éventail de question s’est ouvert à nouveau au sein de la communauté archéologique.
Devant une telle masse de travail, les scientifiques ont eu très vite l’excellente idée de faire participer le club de pétanque local (jsc pétanque) à leurs recherches. Et il n’est pas un bouliste cugnalais qui, depuis, ne s’exerce à comprendre le génie des gestes de son prédécesseur du néolithique. Le terrain de boule est depuis sévèrement mis à contribution, étrangement situé à quelques pas du champs de fouille, là où furent découverts, en 2010, les vestiges d’une fabuleuse partie de boules. »

in « Effet rétro, (La liberté) ou les boules ? », catalogue de l’exposition.

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